Géomaths
Série de 30 photographies argentiques noir et blanc, 35mm, 2020
(Maine, États-Unis)
p. 36 – Marguerite Duras, La douleur, « La douleur »
« S’il revenait nous irions à la mer, c’est ce qui lui ferait le plus de plaisir. Je crois que de toutes façons je vais mourir. S’il revient je mourrai aussi. S’il sonnait : ‘Qui est là. – Moi, Robert L.’, tout ce que je pourrais faire c’est ouvrir et puis mourir. S’il revient nous irons à la mer. Ce sera l’été, le plein été. Entre le moment où j’ouvre la porte et celui où nous nous retrouvons devant la mer, je suis morte. Dans une espèce de survie, je vois que la mer est verte, qu’il y a une plage un peu orangée, le sable. À l’intérieur de ma tête la brise salée qui empêche la pensée. Je ne sais pas où il est au moment où je vois la mer, mais je sais qu’il vit. Qu’il est quelque part sur la terre, de son côté, à respirer. Je peux donc m’étendre sur la plage et me reposer. Quand il reviendra nous irons à la mer, une mer chaude. C’est ce qui lui fera le plus plaisir, et puis le plus de bien aussi. Il arrivera, il atteindra la plage, il restera debout sur la plage et il regardera la mer. Moi, il me suffira de le regarder, lui. Je ne demande rien pour moi. La tête contre la vitre. »
00:00:53–00:00:57 – Agnès Varda, Les plages d’Agnès
« Moi, si on m’ouvrait, on trouverait des plages. »
p. 68 - Ada Limón, The Hurting Kind, "Runaway Child"
"It took me years to realize those two blues
were the same ocean."
Un rouleau de pellicule, trois lieux, trente poses.
L’écologie se joint à la géométrie, la topographie à la topologie,
Les racines et les pierres sont les variables d’une mathématique-nature.
Voici des détails du quotidien environnemental – des lignes de fuite devenant la circonférence d’un rocher, des rangées et virages, le chevauchement de matériaux, d’angles, de courbes et de coudes. Voici des formes composites, les composantes d’un calcul des variations.
À plusieurs instants, j’essaie de vite changer la vitesse de l’obturateur pour capturer la silhouette de l’eau, la superficie d’un morceau de bois, la texture d’un ruisseau, une vague. Je trébuche souvent dans l’immobilité qui m’entoure. Le contour de mon soulier m’inquiète. Je cherche à avancer sans bruit, sans sillon.
Le mouvement et l’espace-temps laissent des traces à la surface du sable, tachent des tas de coquillages.Des voussures vertigineuses donnent lieu à des strates minérales précises, des dimensions fractales. Et là l’accroc, où la pellicule zigzague, c’est l’exposition finale – une cartouche épuisée, une dernière pause.